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Archivio di Stato di Torino, Sezioni riunite, Camerale Savoia, inventario 29, rot. 38 (1431-1433), folios 1r-2r, 3r-v.
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La première prise de Gex (1352) et la campagne contre les Ecorcheurs
Dès le milieu du XIVe siècle, la comptabilité militaire devient sérielle et se caractérise par une certaine homogénéité formelle et par une tendance vers l’augmentation des éléments narratifs présents dans les enregistrements. De manière générale, l’ensemble de la comptabilité savoyarde se rationalise et commence à être soumis à un contrôle central ultérieur par les maîtres auditeurs de la Chambre de comptes. Ce processus est rendu possible grâce à la fondation d’un conseil judiciaire en 1329, à l’institutionnalisation de la Chambre des comptes, ainsi qu’à l’apparition d’un système d’archivage centralisé autour de Chambéry au milieu du XIVe siècle[1].
Dans le but d’illustrer l’évolution des écritures comptables, nous avons choisi de comparer les enregistrements de deux comptes de guerre d’époques différents. Le premier, daté de 1352, est relatif à la première chevauchée effectuée par les troupes savoyardes dans le Pays de Gex, baronnie appartenant à Hugues de Genève, seigneur d’Anthon. L’expédition a été conduite par Humbert le Bâtard, demi-frère d’Amédée VI, et elle se termine par la prise du château de Gex au début mois d’octobre 1352. Comme indiqué par le préambule, le compte est tenu par le clerc comtal Nicolet de Mouxy et il a été reçu à Chambéry au cours du mois d’octobre 1352, en présence du comte de Savoie et de Lancelot de Châtillon. Il est mis au propre et confectionné par Viviand Vieux de Chambéry. La structure du compte est assez simplifiée, ne comportant pas de rubriques spécifiques des recettes et des dépenses. La plupart de l’argent encaissé par Nicolet de Mouxy provient des caisses de Nicod François, le premier trésorier général de Savoie. Les dépenses dénombrent les noms des vassaux du comte de Savoie qui se sont présentés à Versoix, le quartier général des troupes savoyardes. Dans notre transcription partielle, on retrouve les payement effectués à Pierre IV, comte de Gruyère, et à Jean de Cossonay, qui se présentent à la chevauchée avec respectivement 25 et 15 combattants à cheval[2].
Archivio di Stato di Torino, Sezioni riunite, Camerale Savoia, inventario 29, rot. 8 (1352), peaux 1-2.
Computus Nicholeto de Mouxiaco de receptis et libratis per ipsum factis pro illustri viro domino Amedeo comiti Sabaudie pro libranda cavalcata per ipsum dominum mandata pro facto Gaii, receptus apud Chamberiacum ipso domino existente, ibidem presente Lanceloto de Castellione dominica (mot illisible) mensis octobris anno Domini millesimo CCC°LII per Viviandum Veteris de Chamberiaco.
Recepta pecunie
Idem reddit computum qui recepti a domino Humberto bastardo de Sabaudia milite quos idem dominus Humbertus receperat a Nicoleto Francisci tradente pro domino per manum Aymonis de Pontevitreo domicelli apud Gebennas, presente Mermetio de Ravorea mensis octobris predicti pro dicta cavalcata libranda : VIC fl. auri
(…)
Librata
Libravit domino Petro de Grueria pro eadem cavalcata pro medietate stipendiorum suorum et viginti quinque hominum cum armis secum ut per litteram ipsius datam anno et die quibus supra quam reddit : XXXIII fl. auri b. p.
Libravit Iohanni domino de Cossonay pro eadem cavalcata pro stipendiis suis et quindecim hominum equitum cum armis secum ut per litteram ipsius datam anno et die quibus supra quam reddit : IXXX fl. auri b. p.
Dans la comptabilité militaire, une césure d’un point vue formel se manifeste surtout par la volonté de normalisation législative apportée par les Statuta Sabaudiae, promulgués par Amédée VIII en 1430[3]. Après cette date, on assiste en effet à une révolution de la mise en forme dans l’ensemble des comptes de guerre, qui se ressemblent toujours en plus. Par ailleurs, les renvois à la documentation antérieure, servant à la rédaction du compte, deviennent systématiques. On mentionne les pages des livres des montres et des livres de revues, dont quelques exemplaires ont été conservés pour cette période. Les quittances sont parfois recopiées dans le compte, de ce fait beaucoup plus précis sur la durée des engagements des combattants, sur les sommes consacrées aux diverses rubriques, ainsi que sur les lieux de réception et de dépense de l’argent[4].
Nous proposons ici une transcription partielle du compte de la deuxième campagne menée par le maréchal de Savoie, Jean de Seyssel, en Bresse contre les Ecorcheurs pendant le printemps de l’année 1443. Le compte a été tenu par Ansermet de l’Epine, un secrétaire de la chancellerie ducale qui a eu accès au poste de trésorier des guerres en 1431. Comme indiqué dans le préambule, le document a été mis au net à Chambéry le 3 septembre 1436, par les maîtres et receveurs de la Chambre de comptes, dont on indique les noms et la fonction. Les recettes du compte proviennent en majorité du trésorier général de Savoie, Michel de Ferro, qui se trouve en ces années à Genève auprès de Félix V. Pour les dépenses, l’exemple proposé concerne le payement de plus de 2'000 florins effectué par Ansermet de l’Epine aux lances à trois chevaux (129) et aux archers à cheval (97) de la compagnie du futur maréchal de Bourgogne, Thibaut de Neuchâtel, venus en aide aux Savoie aux frontières de la Bresse.
Archivio di Stato di Torino, Sezioni riunite, Camerale Savoia, inventario 29, rot. 38 (1431-33), folios 1r-2r, 3r-v.
Computus nobilis viri Ancermeti de Spina secretarii et thesaurarii guerrarum domini. Constituti primo per felicis recordacionis primogenitum sanctissimi domini nostri pape domini Amedeum de Sabaudia quondam principem Pedemoncium ut per licteras constitucionis predicte, datas Thaurini die septima mensis augusti anno Domini millesimo quatercentesimo trigesimo primo (…) Videlicet de receptis et libratis per eundem thesaurarium factas, pro solvendis stipendis certarum gencium armorum et tractus illustrissimo domino nostro Sabaudie duci servire mandatorum sub conductu spectabilis domini Iohannis de Seyssello, domini Bariacti et Ruppecule, marescalli Sabaudie in partibus Breyssie servire mandatorum ad tuhicionem ipsius patrie et ad expulsionem quorundam Rocheriorum, vulgariter vocatarum les Ecorcheurs, ipsam patriam de facto agrediendum et qui tam villam et castrum Vuniaci ceperant et invaserunt, de anno Domini millesimo quatercentesimo quadragesimo tercio. Receptus apud Chamberiacum presentibus nobilibus et potente viris domino Bartholemo Chabodi milite, presidente Guillermo Rigaudi magistro hospicii, Maffredo Beczonis et Stephano Rosseti ex magistris et auditoribus computorum domini, per Aymonem Lamberti ex receptoribus dictorum computorum redditusque per eundem thesaurarium, et examinatus per eosdem domini predicti et magistros computorum diebus decima tercia septembris et sequentibus anno Domini millesimo quatercentesimo sexto.
Recepte dicti computi
Idem reddit computum ex recepit ad causam dicte armate et pro solviendo armigeris et gentibus tractiis supramencionati. Primo de expresso mandato prefati domini nostri ducis a nobili viro Michaele de Ferro de pecuniis pro expresso armigerio exercitum per sanctissimum dominum nostrum Felicem papam quintum, sibi in custodiam commissis ut per confessionem de recepta per eundem sibi factam a dorso dominicalium licterarum scriptam, datam Gebennis die sexta aprilis eodem anno Domini millesimo quatercentesimo tercio, manu et sigillo de thesaurarii signatam : VM fl. p.p.
(…)
Et primo librauit Anthonio de Laureon pro centum et viginti novem lanceis in eorum computo in dicto cartulario descripto speciffie nominatis qui prefato domino nostro servierunt in comitiva Theobaldo de Neufchastel, domino de Blamont, decem novem diebus, quolibet lancea cum tribus equis. Item libravit dicto Anthonio pro stipendiis Petrequini Pomerat, Perroquini Goctan et aliorom archeriorum in ipsorum computo in dicto cartulario descripto nominatorum, qui sunt numero quaterviginti et decem septem, qui prefato domino nostro ut supra in comitiva prefati domini de Blamont servierunt eciam spacio decem novem dierum ut in dicto eorum computo continere, inclusis quatercentum septuaginta tribus florenis et quatuor denarios grossorum parvi ponderis, qui sibi debebantur pro resta dictorum computorum quos dictus Anthonius recepit : IIMIICXLVIII fl. IIII d. gr. p.p.[1] A ce sujet, cf. Castelnuovo G., « Les officiers princiers et le pouvoir de l'écrit. Pour une histoire documentaire de la principauté savoyarde (XIIIe-XVe siècles) » dans Offices, écrit et Papauté (XIIIe-XVIIe siècles), A. Jamme, O. Poncel (éd.), Rome, Ecole française de Rome, 2007, p. 17-46.
[2] Ce compte est édité dans son intégralité dans Guilleré C., Biolzi R., Macherat S., Les sources du financement de la guerre, op. cit., p. 167-174.
[3] Sur les Statuts d’Amédée VIII, cf. en dernier lieu La loi du prince. Les Statuts de Savoie d'Amédée VIIII de 1430 : une oeuvre législative majeure, F. Morenzoni et M. Caesar (dir.), 2 vol., Turin, Deputazione Subalpina di Storia Patria, 2019.
[4] Cf. notamment l’édition de comptes de la guerre entre la Savoie et Fribourg de 1448, Biolzi R., « Avec le fer et la flamme », op. cit., p. 163-239.
Bibliographie
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